Plateformes numériques : Différence entre versions
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(→Sens courant à l'époque actuelle : Reformulation du première paragraphe en plusieurs phrases et ajout de précisions qui montrent les implications politiques de la gratuité.) |
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On pense notamment à des plateformes de commerce en ligne dont la plus importante à ce jour demeure Amazon. Les autres joueurs majeurs, parfois plus importants en termes de taille (pour ce qui est du nombre d'utilisateurs si ce n'est du chiffre d'affaires) sont les médias sociaux (Facebook en tête), et les moteurs de recherche (Google de la société Alphabet, caracolant en pole position et semblant indélogeable à moyen terme). | On pense notamment à des plateformes de commerce en ligne dont la plus importante à ce jour demeure Amazon. Les autres joueurs majeurs, parfois plus importants en termes de taille (pour ce qui est du nombre d'utilisateurs si ce n'est du chiffre d'affaires) sont les médias sociaux (Facebook en tête), et les moteurs de recherche (Google de la société Alphabet, caracolant en pole position et semblant indélogeable à moyen terme). |
Version du 31 janvier 2017 à 01:03
Sommaire
Définition générale
Les plateformes numériques convergent en créant un véritable environnement où nous ne faisons pas seulement que communiquer : nous agissons de différentes manières (en présence, à distance, en "temps réel" et en différé) qui nous définissent "ontologiquement". Les dynamiques d'organisation de l'espace et de construction de la société qui constituent ces dispositifs technologiques en même temps qu'elles y prennent appui, font que le web, sous ses différentes déclinaisons et les différentes alternatives qui s'inscriront en (dis)tension avec lui (ou elles) ne peuvent plus être envisagées de manière simpliste comme des outils d'un degré de sophistication inouï, mais doivent rigoureusement (ce qui n'empêcher pas le recours à l'humour comme méthode d'analyse) être considérés comme les matériaux et les forces structurant le milieu où prennent forme nos pratiques communes, le territoire politiquement plié par le poids de sa propre mémoire que nous habitons en tant que nous formons le corps d'un imaginaire collectif qui nous dépasse.
À cet égard, il sera approprié de se référer pour commencer à la définition donnée de l'espace numérique et à la section sur la métaontologie.
En ce qui a trait aux technologies, il convient de noter qu'elles sont littéralement des discours sur la technique. Le numérique, ce n’est pas simplement un nouveau média, mais c'est le nom que nous donnons, afin de nous entendre sur un langage commun pour parler de notre environnement actuel, du monde que nous façonnons par nos actions, soit une prétexte (offrant plusieurs plans de réflexion) pour de nombreuses éditorialisations. Celles-ci ont valeur de gestes à portée architecturale, même s'il nous est permis de continuer à réfléchir du point de vue du sens aux conséquences que nos projets de création de nouveaux "contenus" peuvent avoir. Cependant, la réalisation de ce que les véhicule que nous mobilisons pour "faire bouger les choses" ne sont pas neutres, nous porte à réfléchir plus intensément et avec davantage d'application(s) à l'importance de l'hybridation des voies qui nous sont offertes pour relier les lieux et les êtres virtuels et physiques. Car c'est l'Humanité, comme la nature même des relations entre l'être et le devenir, qui sont transformées dans le processus de numérisation et de conversion culturelle qui l'accompagne.
Bref, par hypothèse, ce serait le sens de l'être qui serait intimement lié à l'évolution des plateformes numériques. Notamment en ceci que ce serait à une compréhension de la convergence entre l'être (en tant que multiple) et le virtuel, que l'on assisterait ainsi (pourvu que l'on se l'approprie tout en se laissant dépasser par le mouvement de cette prise).
Définition détaillée
Dans le sens courant à l'époque actuelle, les plateformes numériques renvoient - si on veut commencer par se fonder sur des exemples d'interactions qu'il est possible d'avoir par le biais d'Internet - aux interfaces de communication et de transactions connectées à des infrastructures de serveurs de données et d'applications web. Dans bon nombre de cas, les usages se déplacent du bureau de l'ordinateur local vers le navigateur, s'ancrant hors du domicile ou de l'organisation (quoi que les frontières de ceux-ci commencent à devenir aussi floues que celles de notre identité et de nos corps), vers des environnements hypermédiatiques fondés sur la virtualisation, sous la forme technique spécifique de la nuagique. Les services d'entreposage et de distribution de produits commerciaux culturels, ou technologiques, neufs ou usagés, qu'on peut acquérir ou louer, emprunter ou se procurer dans cette optique, consistant en biens matériels ou en services (ou en une combinaison des deux), requièrent alors un abonnement (souvent "gratuit"). Or, cette gratuité est un leurre dans la mesure où il s'agit d'une stratégie de captation et de capitalisation de l'attention. Cela se produit par l'attrait de la facilité. Les utilisateurs humains consentent par un simple clic à des "conditions d'utilisation" et à des "politiques de confidentialité" qui déterminent le droit que les propriétaires de ces écosystèmes ont d'utiliser les données recueillies concernant l'usage que ces abonnés feront des outils et dispositifs formant les plateformes (espaces d'échanges) en question. Mais, lorsque ces services sont liés à toutes sortes d'avantages du point de vue de l'aisance d'utilisation, il y a souvent une récupération de bénéfices financiers de la part des concepteurs de ces environnements sous la forme d'une récupération de données sur les usages qui y sont effectués qui permettent de vendre de l'espace publicitaire présentant une plus-value pour les annonceurs du point de vue de la personnalisation, si on considére la fragmentation des auditoires des media électroniques de première génération (radio, télévision, ...).
On pense notamment à des plateformes de commerce en ligne dont la plus importante à ce jour demeure Amazon. Les autres joueurs majeurs, parfois plus importants en termes de taille (pour ce qui est du nombre d'utilisateurs si ce n'est du chiffre d'affaires) sont les médias sociaux (Facebook en tête), et les moteurs de recherche (Google de la société Alphabet, caracolant en pole position et semblant indélogeable à moyen terme).
Les CMS (Content Management Systems ou Systèmes de gestion de contenus) qui servent à la mise en place de blogues ou d'autres formules de rediffusion de contenus (comme les photos via Pinterest ou les très courts films avec Vine), et les sites de micro-blogging comme Twitter (qui constitue un autre média social de taille plus modeste et davantage orienté vers les chercheurs de nouvelles comme les journalistes qui s'en servent à la manière d'un fil de presse) sont un troisième type de plateformes numériques, qui sont parfois hébergées sur les serveurs des sites d'individus ou des organisations qui y ont recours (le cas de Wordpress qui est un CMS ouvert, lorsque les sites ne sont pas hébergées à l'adresse wordrpesss.com), mais dans ce cas-ci on conçoit que la couche matérielle (et une partie de la couche logicielle n'appartient pas aux propriétaires du site ni au concepteur de la plateforme (qui prend ici le sens restreint de dispositif de gestion des contenus sur l'interface web).
Dans le cas des "gros joueurs" précédemment évoqués (les médias sociaux de masse, et les moteurs de recherche les plus puissants et populaires), à l'exclusion des plateformes transactionnelles, les revenus importants qu'ils engrangent proviennent principalement des ventes de placement publicitaire d'autres produits (dont la valeur vient de ce qu'elle serait mieux ciblées grâce à l'analyse des mégadonnées provenant de l'ensemble des transactions qui font l'objet d'un suivi sur une base "non-nominale", suivant ce que laissent entendre les "conditions d'utilisation" des compagnies fournissant ce service). Ce qui est commun à toutes ces plateformes gratuites est qu'elles permettent d'effectuer du transfert d'informations dans un environnement où les contenus sont tirés de bases de données et analysés par des algorithmes pour en tirer des corrélations entre tels types de profils d'utilisateurs et des patterns de comportements de consommation.
Si on parle des "gros joueurs", il faudrait sans doute ajouter les autres compagnies qui peuvent offrir des services d'infonuagique (cloud) et cela renvoie à Apple (iCloud) et à Microsoft (OneDrive), ainsi qu'à Alphabet (GoogleDrive). Comme Alphabet s'appelait, avant 2015, Google, et demeure couramment appelée ainsi (le moteur de recherche du même nom étant ce qui a donné lieu à sa popularité dès le début des années 2000), on a parlé des GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) pour désigner ces géants aux appétits monopolistiques. Aujourd'hui on parle d'édition GAFAM (pour inclure Microsoft qui effectue un retour en force avec l'ingestion de LinkedIn et Skype, dans l'ordre chronologique inverse), afin de désigner la manière de décider de ce qui sera fait des données qui manque de transparence afin de pouvoir convertir la recherche sur les algorithmes capables de traiter les mégadonnées en profit. Mais c'est une mercantilisation de notre attention qui a de graves incidences politiques et anthropologiques.
Les plateformes numériques envisagées du point de vue de leur rapport à l'éditorialisation
Les plateformes numériques sont, en tant qu'espaces d'éditorialisation, des plateformes d'édition numérique.
Le fait que nous puissions parler d'édition GAFAM pour désigner un mode d'appropriation des connaissances qui pourraient découler de la mise en commun des données découlant de nos pratiques, suivant une logique commerciale qui dépossède l'humanité des bénéfices qu'elle pourrait espérer de ces progrès de nos capacités de prédiction des comportements futurs en fonction des tendances précédemment observées d'après des logiques profilaires, cela implique qu'il y a d'autres manières d'envisager l'action d'éditer des contenus, pour en tirer du sens ou de la valeur (pas forcément économique, bien que tout soit effectivement lié du point de vue des dynamiques complexes qui caractérisent le monde interconnecté dans lequel nous vivons, et que nous pouvons qualifier de virtuel, intégrant dans cet adjectif, la réalité physique jusqu'à un point qu'il conviendra de discuter). Or on pourrait répertorier les types de plateformes numériques en fonction du type d'édition qu'on pratique par leur biais (ce qui est le terme exact, car on l'a vu elles ne sont pas neutres, étant des media, au sens large que McLuhan conférait à ce terme, comme extensions de notre corps, qui nous transforment "ontologiquement"). Il conviendrait donc de définir quelles sont les différentes approches de la métabolisation des contextes pour secréter des textes (car les premiers effets des dispositifs d'encodage que sont les hypermedia est de générer des écritures numériques) et d'en déduire une typologie des plateformes numériques. Aux éditions GAFA s'opposeraient donc jusqu'à un certain point les éditions académiques, qui sont malheureusement elles aussi la plupart du temps, la propriété de grands groupes commerciaux. Le fait que nous disions "malheureusement" ne vise pas à exprimer une aversion viscérale pour tout ce qui relève de l'entreprise privée par parti pris communiste. C'est simplement la conséquence de l'appréciation éthique que nous faisons du mauvais usage qui est fait encore une fois (et de manière qui n'est pas surprenante, mais cela n'excuse rien) de cette position de monopole dans laquelle les place la dépendance des institutions d'enseignement financées publiquement en raison de la logique de reconnaissance de la valeur des travaux de recherche qui dépend de la réputation des titres des revues dans lesquelles ils sont publiés.
Une autre modalité de mise à disposition des contenus édités et éditoriaux (ainsi qu'éditorialisés, c'est ce qu'il s'agit de parvenir à comprendre ici, dans la différence de cette expression avec "curation de contenu") est la distribution sous licence libre, en vue de contrer la logique d'appropriation des contenus qui découle de l'imposition de verrous numériques (DRM et autres stratégies de restriction de l'accès) dans le but de perpétuer le régime de protection des droits de propriété intellectuelle qui structurait le monde de l'édition papier, et la civilisation moderne occidentale dans son ensemble (toujours dans une logique mcluhanienne). Et les acteurs de cette "troisième modalité de distribution" qu'on regroupe sous l'expression "culture du libre" (entendre du logiciel libre, tel que défini par la FSF - la Free Software Foundation - et étendu aux autres types de productions intellectuelles et de l'imaginaire), ou culture du FLOSS (Free Libre Open Source Software), est une des fondations de l'humanisme numérique tel que le définit et le comprend Milad Doueihi, d'après son premier essai, séminal, sur le sujet, La Grande conversion numérique (Seuil, 2008).
Si on voulait résumer la signification des plateformes numériques dans leur acception plus concrète en tant qu'elles font référence à des modes spécifiques de production, de transformation, de partage et de popularisation de contenus, on pourrait donc dire qu'elles sont synonymes des plateformes d'édition. Voir l'entrée du glossaire sur les plateformes d'édition.
On en déduit que le numérique est synonyme d'édition. Mais un infléchissement du sens de cette notion vient du fait que nous acquérons une conscience accrue des implications de ces gestes d'intégration de nouveaux contenus à nos vies, parce que nous ne pouvons plus échapper, vue la puissance des outils numériques de prévision de nos conduites, à l'évidence du contrôle que la sélection de tels modes de transmission/transduction du sens impute à nos existence. Et cela va dans les deux sens, car c'est une occasion d'"encapacitation" (empowerment) en même temps que cela nous fait courir un risque de "dépossession" (comme tout décentrement).
En un mot le numérique (ou l'édition comprise comme éditorialisation) a le potentiel de nous rendre plus libre. Car elle nous force à devenir co-responsables de notre évolution, avec un ensemble de facteurs que nous ne maîtrisons pas. Et c'est cette compréhension de notre interdépendance avec du méconnaissable qui nous aidera à effectivement grandir en sagesse (au sens de la Phronesis, telle que la définissait Aristote).