L'édition numérique de ''Surveiller et sourire'' dans la collection Parcours Numérique (PUM)
Sommaire
La collection Parcours numériques
Le livre de Sophie Limare,Surveiller et sourire, paru en mai 2015, parle de la surveillance omniprésente dont nous faisons l’objet en montrant des artistes qui jouent avec les mécanismes de cette surveillance.
La collection Parcours numériques est dirigée par Michael E. Sinatra et Marcello Vitali-Rosati depuis le 12 mars 2014. Elle s’adresse principalement aux chercheurs et aux étudiants, mais, bien entendu, elle est accessible à tous. Elle fait partie des Presses de l’Université de Montréal (PUM), maison d’édition qui se spécialise dans l’édition savante. Tout comme l’édition savante, les PUM ont pour mission de rendre accessible le savoir universitaire et de promouvoir l’avancée de la recherche. Cette mission se reflète forcément dans l’éditorialisation du livre Surveiller et sourire, dispositif « technologique » qui contribue à la mise en forme du livre numérique.
La définition du numérique que donne la collection est son point de départ et ce qui la définit : « le numérique est l’espace dans lequel nous vivons » [1](citation sur leur page de présentation). Le concept d’espace est important et prédominant. En effet, la collection offre un « espace » de lecture où nous pouvons naviguer à l’intérieur, dans tous les sens. Mais cet espace est également transposé dans le monde réel par la création d’une communauté et à l’extérieur de la plateforme telle quelle. Cette communauté, liée à un espace double (réel et virtuel), est le propre d'une culture numérique.
La plateforme numérique
Le type d’éditorialisation choisi fait intervenir plusieurs plateformes qui définit les modes d’appropriation et de diffusion des contenus. La collection est alors présente Youtube, Facebook, Twitter, archive.org. Cela crée un espace élargi du livre. Le contenu n’est donc pas uniquement du texte, mais aussi des vidéos qui permettent de mieux définir l’édition numérique. Il y a également d’autres styles de contenu comme des colloques, des conférences sur Youtube. Il y a donc une communauté internationale, dépassant la simple collection, qui entre en ligne de compte. Dans cette communauté, la mission de faire partager le savoir ressort vivement, en étant sur plusieurs plateformes en même temps. Cela laisse entendre qu’un livre numérique n’est pas viable uniquement sur une seule plateforme. La question de la visibilité est donc très importante. En plus du textuel et du visuel, la publication de la bibliographie du livre sur Zotero permet de pousser plus loin la recherche. Le lecteur peut ainsi avoir accès à la genèse du livre.
Une éditorialisation sur plusieurs dispositifs
La plateforme de Parcours numériques est diffusée en libre accès en ligne, mais il ne s’agit pas de la seule possibilité de diffusion de la collection. Pour le livre Surveiller et sourire, comme tous les autres de la collection, il y a également une version imprimée qui peut être commandée en ligne sur le site des PUM et une version homothétique en PDF ou EPUB. Ces deux dernières versions sont payantes contrairement à la version sur la plateforme. La particularité de ce livre est qu’il est également disponible gratuitement en version EPUB et PDF, tout comme cela a été le cas pour le livre de Marcello Vitali-Rosati, Pratiques de l’édition numérique. Toutefois, ces deux livres sont les seuls à être entièrement gratuit pour les versions numériques. Malgré le libre accès mis de l’avant par la plateforme, il est possible de voir que l’aspect commercial des PUM prédomine étant donné que l’enjeu financier est toujours très présent dans les petites maisons d’édition savante. Cela peut être démontré par le fait de devoir faire intervenir d'autres acteurs dans la production du livre qui ne sont pas des éditeurs ou des littéraires. Par exemple, il peut s'agir de programmeurs qui ont pour tâche de mettre en forme la plateforme.
Le libre accès
La version libre d’accès et les versions payantes sont donc à la fois complémentaires et opposées. Complémentaires parce que l’édition numérique permet d’inclure et d’enrichir au fur et à mesure l’appareil critique du texte, le laissant toujours inachevé. Opposées parce que la version numérique sur la plateforme a plusieurs avantages face à la version papier. Premièrement, elle est en libre accès, donc gratuite. Deuxièmement, le contenu est mis à jour donc jamais figé comme une vérité absolue. Troisièmement, elle permet une lecture plus libre. Dans les versions plus traditionnelles, la lecture est encadrée dans une mise en page qui ne peut pas changer, le texte ne peut pas être modifié (le lecteur doit le prendre tel qu’il lui est présenté) et elles sont payantes. Il serait possible d’avancer l’hypothèse que le livre papier est toujours présent chez les PUM pour permettre d’atténuer les insécurités des lecteurs face à une version en ligne. De plus, la version en ligne permet de rendre accessible le savoir diffusé à plus grande échelle dans une communauté internationale (objectif visé par la collection).
De plus, la plateforme est sous une licence « Creative Commons Attribution + Pas d’Utilisation Commerciale » qui permet de diffuser le contenu tout en respectant les droits d'auteur. Le libre accès n'entre donc pas en conflit avec les droits d'auteur.
Le texte numérique et le travail d’édition
Il y a donc un nouveau modèle d’éditorialisation définit par la dispersion du livre sur plusieurs plateformes. Cela entraîne un nouveau modèle économique où les revenus ne se calcule pas nécessairement d’un point de vue monétaire mais par la visibilité. Il s’agit de la « voie dorée » où il n’y a aucune barrière qui empêche d’accéder au contenu. Nous assistons à une nouvelle façon de voir le texte qui forcément n’est pas le même dans les versions numériques et papier. L'hypertexte que devient la plateforme est parsemé de contenu supplémentaire, de notes et d’hyperliens qui éclatent l’espace du livre. Le lecteur crée ainsi son propre « parcours » de lecture. Dans les versions homothétiques et papier, le texte est dénudé de tout appareil critique, donc la version numérique gagne à être parcouru au profit de la version papier.
On assiste donc à une déconstruction du texte dans une surface plane et compartimentée : la quatrième de couverture, la table des matières, l’appareil critique ou notes de bas de page et la bibliographie. Face à tout cela, le lecteur ne doit plus suivre le fil du texte passivement.
Le travail en amont
Tous les livres de la collection sont édités de la même manière avec les mêmes balises. Il y a donc une uniformisation de la présentation du contenu. Le système de publication de la plateforme est SPIP (une licence publique générale) qui est gratuit et collectif. Donc, la plateforme est en libre accès et ce qui la crée également. Par contre, le système de publication choisi peut être contraignant, ayant à l'avance des limites dans sa forme.
L'enjeu de la pérennité
La plateforme est soumise au bon vouloir des contenus additionnels. En d'autres mots, si le lien auquel réfère le texte n'existe plus, le potentiel de lecture offert par la plateforme tombe à l'eau. Le lecteur n'a plus accès au contenu qui rend sa lecture plus riche sur la plateforme que dans le livre papier. Les livres doivent toujours être mis à jour, ce qui est un travail de veille constant.
Également, la plateforme sera éventuellement amenée à changer de support numérique. Son opposition avec le livre papier met en lumière un problème de pérennité du contenu numérique futur. Puisque le livre numérique est en constant changement, le fixer dans le temps pour assurer son longévité est difficile. Le livre papier, lui, est fixe et sera toujours le même (en considérant la présente édition). Il s'agira de se demander quelle version du livre numérique garder. Ou est-ce que le livre numérique sera un jour abouti ?
La place de l'auteur
Dans le type d’édition proposé, l’auteure, Sophie Limare, prend une place beaucoup plus importante dans le processus d’édition et même après. En effet, pour Surveiller et sourire, elle a fait des vidéos expliquant et ajoutant du contenu au texte original. Les vidéos résument la section du livre, par exemple. Pour un livre numérique, l'auteur peut s'investir davantage dans la chaîne éditoriale.
La chaîne éditoriale
Pour la collection, le livre numérique est crée après la version papier. Le texte est alors figé dans une forme préétablie, ce pourquoi il est nécessaire pour la plateforme d'innover au niveau de la forme et du contenu en le bonifiant. La chaîne éditoriale de la collection reste donc traditionnelle.
Les modes d'appropriation
Les modes d'appropriation du lecteur sont limités sur la plateforme. Il peut lire le texte, choisir sa lecture, grossir la taille de la police, cliquer sur les liens qui l'intéresse, mais c'est tout. Il ne peut pas annoter, commenter le texte. cela permettrait de l'enrichir et de faire intervenir plus activement la communauté tant recherchée par la collection.
Le lecteur numérique
L’édition numérique augmentée permet d’ajuster la lecture par la taille de la police faisant de la plateforme un espace de lecture plus convivial, ce qui est une forme d’appropriation du contenu (limités toutefois). De plus, le sommaire permet au lecteur de décortiquer le texte et ainsi de compartimenter sa lecture.
Une lecture tabulaire
Christian Vanderdorpe, dans Du papyrus à l’hypertexte, parle de linéarité qu’il oppose à la tabularité. La linéarité est une lecture orientée où l’auteur et l’éditeur décide du parcours de lecture du lecteur. Le type de lecture offert par la plateforme de Parcours numériques est du côté de la tabularité, c’est-à-dire que le lecteur choisit son parcours de lecture.
La plateforme Parcours numériques est un hypermédia où il y a un texte et des liens qui vont vers du contenu supplémentaire. Le lecteur peut alors faire des choix et il devient actif dans sa lecture. Cette façon de lire est mise de l’avant par tout ce qui est convoqué par l’éditorialisation; il s’agit d’un choix éditorial, un parcours crée par le lecteur.