Désintermédiation
Sommaire
Définition
La désintermédiation est un terme issu du vocabulaire économique qui qualifie la rupture des modes traditionnels de conception, production et commercialisation. Il caractérise le passage d'une économique linéaire (possesseur du bien - conseiller/vendeur - acheteur, pour donner un exemple d'une chaîne économique particulièrement simple) à une économie en réseau. C'est un phénomène devenu monnaie courante avec le web, espace dans lequel l'institutionnalisation d'intermédiaires qui peuvent paraître superflus n'est plus respectée. Si un agent médiateur existe, celui-ci peut aisément être supprimé de la chaîne économique, puisque l'économie en réseau permet de se dispenser de ces agents qui complexifient la transmission de l'information ou du produit (dans certains cas). De plus, cet éclatement, en plus de supprimer les intermédiaires, soumet ces derniers à une concurrence toujours renouvelée : "Tout acteur, en définitive, peut à tout moment être concurrencé par un autre acteur dans une économie en réseau" [1]
Enjeux dans le cadre de l'édition numérique
Dans le secteur de l'édition électronique, voire numérique, la désintermédiation fait référence à "la pure et simple disparition de l'intermédiaire éditorial dans le circuit de diffusion de l'information" expliquent Pierre Mounier et Marin Dacos.[2] Ils rapportent que toute position intermédiaire entre le producteur (auteur) et le consommateur (lecteur) serait obsolète en raison de phénomènes tels que:
- l'ouverture d'archives dans le domaine scientifique
- les plates-formes du Web 2.0 pour la production culturelle grand public
- l'émergence des pro-am (c'est-à-dire les professionnels amateurs)[3]
La désintermédiation perturbe le monde de l'édition depuis la transformation numérique. Depuis le début des années 90, au moins, le secteur de l’édition subit une série de changements qui troublent le statut et le fonctionnement des intervenants du secteur. Qu’ils soient éditeurs, concepteurs, imprimeurs, diffuseurs, distributeurs, etc., ils se questionnent sur leur rôle. Ces changements remodèlent le secteur, modifient l'édition traditionnelle, amènent de nouveaux intervenants et induisent de nouvelles manières de faire. La désintermédiation du microcosme de l’édition est un processus qui pour l’instant, tend à s’accélérer et où de nombreux facteurs interviennent de manière différente.
En témoigne la popularité des fameux blogs, ces espaces hautement représentatifs de la désintermédiation qui sont à la fois critiqués et convoités par les grandes entreprises de presse en raison, entre autres, du phénomène d'économie de l'attention qui incitent la presse à améliorer le lien entre les journalistes et le lectorat.[4]
Quelques facteurs de la désintermédiation dans l'édition numérique
Les pirates
L’idée du pirate comme facteur de nuisance et/ou de perturbation dans l’univers du livre est éventuellement à repenser dans la mesure où les DRM [1](GND en français) semblent jouer un grand rôle dans la piraterie, notamment en limitant sévèrement les droits des lecteurs. Légalement, ces derniers ne sont que « locataires » de leur exemplaire numérique; ils ne détiennent en effet qu’une licence qui leur donne le droit de lire. Sans plus.
Les études et les expériences réalisées tant par des universités que de grands ensembles de publication démontrent que l'absence de DRM tend à limiter fortement sinon à faire quasiment disparaitre la piraterie. De sorte que l’on peut légitimement se demander si le phénomène de piratage en est un auto-infligé.
Quelques analyses sur le sujet: [2]
[hiltmon.com/blog/2012/10/15/walled-gardens-are-permeable]
Cette étude des universités Duke et Rice parue en 2011 démontre que l’utilisation des DRM réduit les ventes et que la suppression de ces verrous numériques diminue la piraterie:
[5]
Une analyse sur le blogue Futurebook va dans le même sens : les verrous numériques nuisent d’abord aux utilisateurs honnêtes. [6]
Les ventes de l’éditeur techno O’Reilly ont augmenté de 104% dans les 18 mois suivant son abandon des DRM : http://boingboing.net/2010/01/22/oreilly-drops-ebook.html.
Autres articles et analyses :
[7]
Amazon et les ténors technologiques
Amazon, Apple et Google sont théoriquement loin des champs d’action de l’édition. Mais en centralisant et en contrôlant l'accès des usagers à leurs plateformes technologiques, ils sont devenus des acteurs incontournables de la diffusion et même de la création. Amazon par exemple a maintenant ses propres auteurs.
Voici une analyse sur les principaux nouveaux intervenants dans la distribution et la vente du ebook : (Amazon, Apple, Kobo, etc.) : [10]
Voici une démonstration chiffrée de la place prise par les intervenants non-traditionnels dans la chaine du livre : [11]
L'autopublication
L’autopublication, souvent passée sous le radar comme un phénomène marginal, s’est révélée au fil des analyses statistiques comme un vecteur de perturbation majeur du milieu de l‘édition : [12]
Les ventes de livres d’auteurs autopubliés sur Amazon dépassent maintenant celles des éditeurs traditionnels, incluant celles du Big Five Publishers (aux États-Unis, ce groupe contient Hachette Book Group, HarperCollins, Macmillan Publishers, Penguin Random House et Simon and Schuster) [13]. Une autre analyse similaire : [14]
L’absence d’intérêt et d’instruments de mesure de l’autopublication chez les intervenants traditionnels de l’édition font en sorte que d’importants phénomènes d’édition passent sous le radar : [15]
Le socio-financement
Autant vecteur que symptôme des perturbations, les nouvelles sources de financement qui remplacent l’éditeur et qui deviennent également une plateforme de lancement/diffusion élargissent leur influence : par exemple Kickstarter est devenue la 4ème plateforme d’édition en importance au monde [16].
Les autres plateformes de socio-financement : IndieGogo, KissKissBankBank, etc., produisent également des livres. Le verbe publier est difficile à utiliser dans de tels cas car il véhicule toute une dimension figée du monde de l'édition qui n'est pas celui des plateformes de socio-financement.
Il existe maintenant des plateformes de socio-financement où les auteurs peuvent faire financer non plus leur livre mais leur activité d’écriture au mois : [17].
Autres
A) De nouvelles formes de création
deviennent en même temps de nouvelles formes d’édition et de diffusion :
Le twaiku : Twitter comme véhicule : éditeur / diffuseur du micro-poème : [18]
Fan Fiction : La Fan Fiction est une nouvelle forme de création-diffusion (ex : 50 Shades of Grey) avec un très large impact : Une définition large: [19] Un guide sur le phénomène: [20] Une analyse: Fan Fiction and Fan Communities in the Age of the Internet: New Essays [21]
B) Les plateformes gratuites d’édition et de lecture
malgré leurs limites à la lecture sont également un facteur de changement :
1- Le modèle [www.calameo.com] Calaméo fait la création du format numérique, le rend disponible sur le site et en permet la vente, également à partir du site. Calaméo offre à l'éditeur tous les outils en mode gratuit. La plateforme convient à presque tous les types de publication: livre, journal, magazine, brochure, etc. La publication demeure limitée par contre au PDF et le livre créé ne peut être exporté vers d’autres plateformes.
D’autres exemples de la même approche: Issuu [22] Issuu consacre plus d'importance au livre.
Blurb http://fr.blurb.ca]
Lulu [23]
Une variante: Smashwords [24]
Smashwords cultive les auteurs et les éditeurs indépendants. La proposition comprend aussi la diffusion sur des plateformes comme le Apple iBookstore, Barnes & Noble, Sony, Kobo, etc.
2- Les communautés de partage littéraire:
BookGlutton [25]
Goodreads [26]
Le site, acquis récemment par Amazon, prétend s'appuyer sur une communauté de 14 millions d’utilisateurs et se destine surtout au partage de références et de recommandations sur les lectures.
Babelio [27]
Plateforme française, Babelio propose une large gamme d’outils : découvrir des livres, des lecteurs, regarder des vidéos ou publier une critique de livre.
C) Les webmags et les nouvelles plateformes numériques d’informations:
Les web mags d’art et de nouvelles plateformes d’informations s’insèrent depuis plusieurs années dans le marché de l’édition numérique et ce, de diverses manières. C’est également le cas de Apple même et de manière différente; Facebook qui offre maintenant un service de nouvelles. Voici quelques reportages et analyses sur le phénomène:
Cette analyse du New-York Times met en lumière certaines tendances et approches pour ce qui pourrait être appelé « informations de la nouvelle ère » : [30]
Voici quelques exemples d’un nouveau type de journalisme d’information qui se pratique uniquement en ligne et qui va de l’international à l’hyperlocal : [31] [32] [33]
Voici quelques de web mags d’art numériques qui comptent chacun plusieurs centaines de milliers d’utilisateurs et tirent (pour l'instant) leur épingle du jeu: [34] [35] [36]
D) Sources de références uniques, les musées, les librairies
et leurs collections d’œuvres et d’images, une fois images enligne, transforment radicalement l’accès à l’iconographie : Les plateformes d’images gratuites deviennent d’immenses voûtes virtuelles qui rendent presque caduque le livre d’art papier : [37]
En même temps ces institutions incitent l’utilisateur numérique à lui-même interréagir et créer avec ces collections : [39]
Ce musée numérique dédié au comic book propose gratuitement ses collections : [41]
Enfin, le pendant iconographique de Wikipedia : wikimediacommons, doit être inclus ici avec ses vastes collections iconographiques offertes gratuitement : [42]
E) Le logiciel comme auteur
n’est pas une fiction dans la mesure où des éditeurs utilisent non seulement des algorithmes pour écrire de courts bulletins d’informations mais amassent également les données numériques du comportement des lecteurs à travers les livres pour téléguider la rédaction de livres pouvant occasionner un maximum de ventes : [43]
Voici également deux reportages sur l’analyse statistique du contenu des oeuvres : [45]
Bibliographie
- ↑ http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/084000381.pdf
- ↑ Mounier, Pierre, et Marin Dacos. « Édition électronique », Communications, vol. 88, no. 1, 2011, pp. 47-55.
- ↑ Mounier, Pierre, et Marin Dacos. « Édition électronique », Communications, vol. 88, no. 1, 2011, p. 47.
- ↑ Mounier, Pierre, et Marin Dacos. « Édition électronique », Communications, vol. 88, no. 1, 2011, pp. 47-55.