Continu / discret

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Le discret renvoie à une structure dans laquelle on pense un ensemble d’éléments séparément - comme séparés par un « vide » - alors que le continu renvoie au contraire à un ensemble dense : il existe toujours quelque chose entre deux éléments. Si l’analogique est continu, le numérique est en revanche discret, ce qui cause un problème majeur : il est en effet impossible de décrire le continu avec le discret.

Le discours sur la révolution numérique

Nous avons tendance à bâtir notre réflexion en partant de l'existence d'une pensée de la révolution numérique, contre laquelle nous cherchons à penser la continuité. Penser plutôt la convergence: ce qui apparaît comme rupture est plutôt de l'ordre de l'ignorance. Si quelque chose apparaît comme révolutionnaire, c'est parce que l'on a pas vu passer des éléments essentiels.

Défis

Revisiter la question du continu/discontinu à travers l'idéologie marxiste.

Problèmes du continu/discret pour la définition du concept de média

Exposons deux procédés essentiellement linguistiques qui apparaissent comme les pôles d’un spectre de stratégies définitoires pour la notion de média: la (sur)discrétisation et la (sur)dynamisation, qui choient du problème de la discrétisation (par le langage) du continu. La notion de média se voyant de plus en plus posée du côté du devenir, du mouvant et de l’insaisissable, glissant vers le « processus de processus », implique désormais le problème du continu et du rhizomatique et nous force à reconsidérer les conceptions plus schématiques et linéaires du média telles qu’héritées des premières théories de la communication, par exemple. Mais comment rendre cette complexité par le langage ?

Le modèle de l'échantillonage

Une première stratégie se caractérise par une fragmentation du concept parfois poussée à l’extrême, à l’image du procédé d’échantillonnage des technologies numériques. Réduire le flux à des données si petites et rapprochées qu’elles peuvent produire une illusion de mouvement continu. Cette stratégie est exemplifiée par les tenants de la multimodalité, dont Lars Elleström et Wolfgang Hallet peuvent être vus comme des figures de proue. Pour Elleström, le concept de média se divise d’abord en trois instances : le média technique, le média de base et le média qualifié qui correspondraient respectivement, pour prendre un exemple, à la feuille de papier, au texte imprimé et à la littérature. Un média deviendrait « qualifié » par deux aspects : l’aspect conventionnel (lié aux socialités) et l’aspect opératoire (lié aux protocoles et aux modes de fonctionnement). Le média se déclinerait également en quatre modalités fondamentales – matérielle, sensorielle, spatio-temporelle et sémiotique –, elles-mêmes subdivisées en un nombre élevé de modes. Ainsi Elleström inclut-il, dans sa conception du média, une grande variété d’éléments relationnels et de lieux possibles pour les interactions intermédiales en ne négligeant ni les aspects social et conventionnel, ni les aspects technique et matériel, ni les enjeux sémiotique et cognitif. Cet échantillonnage mène toutefois à une essentialisation nécessaire, quoique ponctuelle dans le meilleur des cas, du fait médiatique. Bien que les aspects et les modes puissent être échangés, remaniés ou détournés dans un phénomène donné, il n’en demeure pas moins que chaque élément se voit potentiellement isolé et fixé, dans le temps ou dans l’espace, dès que l’on utilise ce modèle en situation d’analyse. Il en va de même pour les propositions d’autres auteurs qui effectuent également des subdivisions à partir de critères différents, tels que Harry Pross et Siegfried J. Schmidt. La critique que formule Sarah Bay Cheng est claire : « Within such carefully constructed theoretical apparatuses, the exceptions to the rules established can prove enough to undermine the whole operation. » (2016, para. 6). Se pose également le problème idéologique de la ségrégation des éléments : reprenant la terminologie d’Elleström, par exemple, on peut se demander à quel moment un média technique devient-il un média ? Ce problème de temporalité est notamment soulevé par Craig Dworkin, qui s’intéresse aux œuvres « blanches » (unmarked). Il explique : « if […] we do recognize that blank sheet of paper as a medium, or if we define media on the basis of inscriptibility, we are faced with the question of how to know when mere materials have become identifiable media. A certain sense of medium is caught between impossible chronologies. » (2013, p. 29). Autrement dit, dans cette perspective, il semble que les médias précèderaient l’acte de médiation, ce qui est l’un des présupposés actuellement critiqués.

La surdynamisation

À l’autre bout du spectre se trouvent ceux qui, conscients des mouvements incessants dans lesquels les flux médiatiques évoluent, optent pour une stratégie de dynamisation dans le langage, représentant ainsi davantage le mouvement et l’essentiellement relationnel, mais rendant les points d’ancrage plus rares, plus glissants. Pensons par exemple à Jürgen E. Müller qui, pour réintégrer les médias dans les systèmes sociaux qui les informent, explique qu’il faut se « pencher sur les fonctions nées de ces rencontres qui déploient leur processus dans des réseaux de séries culturelles » (2006, p. 95). Les mots choisis dans cette dernière expression – rencontres, réseaux, séries culturelles –, mobilisant presque tous le mouvement, le devenir et le collectif, multiplient les sens relationnels et font surgir, ne serait-ce que métaphoriquement, le flux et l’infiniment complexe, mais rendent par le fait même les aspects pragmatiques de ce dont il est question difficile à cerner. Il en va d’une stratégie semblable chez Dworkin, qui parle de « nodes of articulation along a signifying chain » (2013, p. 32, je souligne), incluant ainsi trois niveaux relationnels dans une seule expression. Entre ces deux extrêmes – la discrétisation et la (sur)dynamisation – se trouve tout un spectre de stratégies allant du plus fragmentaire au plus métaphoriquement processuel, ou mouvant.

La réponse des conjonctures médiatrices

Une tentative de conjugaison des besoins de discrétisation – d’essentialisation – et les enjeux du continu, du processuel et du devenir, est effectuée par Larrue et Vitali-Rosati dans leur proposition alternative au concept de média, que les auteurs viennent dissoudre (voire déconstruire) dans la notion de conjoncture médiatrice. Au regard de l’étendue du spectre des stratégies, ces auteurs tentent, avec les conjonctures médiatrices (toujours nécessairement plurielles), de « trouver la voie médiane entre l’essentialisme et l’anti-essentialisme et donc de ne pas réduire les pratiques médiatiques à des unités définies et prédéterminées et de les considérer comme des dynamiques mouvantes, sans pour autant renoncer à la possibilité d’identifier des caractéristiques spécifiques pour ces pratiques »


Série culturelle

Jurgen Müller

Pougin et le Dictionnaire du théâtre [1]