Plateformes d'édition
Sommaire
Définition générale
Les plateformes d'éditions ont aujourd'hui l'ambition de créer un nouveau modèle éditorial. En proposant des structures hybrides innovantes qui exploitent les possibilités du web (lecture non-linéaire, édition augmentée, hypertextes, systèmes d'annotation, libre accès...), elles encouragent à revoir en profondeur notre modèle de diffusion des connaissances.
Définition détaillée
Sens courant à l'époque actuelle
Rares sont les éditeurs qui se sont dotés de structures de production de contenu leur permettant d'exploiter les potentialités du web tout en perpétuant leurs activités dans le domaine de la publication de versions homothétiques d'ouvrages qu'ils publient en format papier.
Quelques exemples pour commencer
Ceux qui l'ont fait sont le plus souvent de petits éditeurs indépendants qui ont bien du mal à se tailler une place dans le domaine de l'édition de livres. Parmi ceux-ci certains publient généralement des ouvrages en format numérique qui utilisent les possibilités de l'ePub, sans plus, mais peuvent créer une application pour certains ouvrages faisant appel à la conception d'expériences multimédias en lien avec le texte. C'est le cas, par exemple, des éditions Le Gaulois nomade, qui a publié Rimbaud, le dernier homme[1].
Comme l'indique la définition générale, c'est une activité qui est susceptibles d'intéresser les chercheurs universitaires, notamment dans le domaine des Humanités numériques, et les Presses universitaires de l'Université de Montréal (PUM), ont accueilli un projet de collection "Parcours numériques"[2] reposant sur une interface de consultation permettant de donner à lire la version en ligne des ouvrages qui y sont publiés et qui présentant aussi une version papier plus dépouillée. Celle-ci permet la lecture de la pensée sans interruption, tandis que la version en ligne permet une lecture par approfondissements (elle présente les notes de l'appareil critique augmenté d'information complémentaires sélectionnées - par l'équipe éditoriales et par les auteurs/collaborateurs - pour étayer les propos contenus dans le texte en tant que tel). En outre, une version homothétique est disponible en deux formats (ePub et pdf) pour téléchargement gratuit. Toujours dans l'univers francophone, en France cette fois, on retrouve aussi Publie.net, qui est une coopérative d'édition numérique, dont les auteurs peuvent publier des textes en différents formats y compris html, qui furent parfois créés initialement dans le contexte d'un blogue, et qui peuvent avoir été écrits en collaboration (un(e) photographe et un(e) écrivain ou par écriture à quatre mains) ou même à l'occasion d'une résidence numérique d'auteur sur le blogue d'un tiers (le tiers livre de François Bon ou Nerval.fr ont joué ce rôle d'ateliers d'écriture en ligne). On l'aura compris, ces exemples ne sont pas encore des plateformes d'édition mais visent à montrer que certains acteurs du milieu de l'édition ou de nouveaux joueurs œuvrant à ses marges peuvent produire des ouvrages tenant compte des possibilité de curation de contenu et d'éditorialisation offertes par le web. L'intérêt de la plateforme de la collection "Parcours numériques" est que des mises à jour et des améliorations peuvent être apportées au fil du temps pour la version en ligne sans avoir à procéder à une nouvelle édition. Si on cherche des espaces numériques permettant de s'auto-publier d'une manière qui dépasse la simple distribution de livrels au format ePub 2, on peut chercher dans différentes directions. Mais où trouvera-t-on ? Du côté des compagnies privées, celles qui sont détentrices de plateformes numériques sont bien placées pour donner l'opportunité à leurs clients d'expérimenter au moins avec les possibilités de l'ePub 3. Apple est pourtant un des seuls gros joueurs à offrir ce service avec iBooks Authors.
La définition du livre est appelée à changer, celle de l'édition aussi
Sous la pression de la multiplication des moyens de publication de contenu possibles avec l'avènement des nouvelles technologies de l'information et des communication (NTICs), le monde du livre devra s'adapter. Les éditeurs ont commencé à le faire quand il s'agit de publier des manuels ou des livres de cuisine ainsi que des guides de voyage. De même la publication de dictionnaire est condamnée à disparaître, à terme, en format papier, et tant qu'à les produire pour la consultation en ligne, on peut espérer que de nombreuses options s'ajouteront à la fonction de base, qui - elle - devrait demeurer.
Vers une définition élargie de l'édition
Si les contours du livre semblent flous dans l'environnement numérique on peut être tenté de se montrer restrictif et de n'ademettre que les livrels au format ePub, ou iBooks ou mobi et pdf comme étant de "vrais" livres numériques. Mais, si on y songe, un site web peut fort bien être construit pour véhiculer le contenu d'un livre. Le format ePub est lui-même fondé sur XML mais pour le contenu et la présentation il utilise les formats de pages web (XHTML et HTML5 respectivement pour les versions 2 et 3) et les fichiers de mise en forme par feuilles de styles en cascades (CSS2 et CSS3 respectivement). De même un blogue peut offrir un bon support pour la publication d'un journal. Il évolue constamment, mais cela n'amoindrit pas nécessairement l'intérêt de l'ouvrage. De même un wiki peut très bien jouer le rôle d'une encyclopédie ou d'un dictionnaire (c'est ce en vue de quoi le CMS de Wikimédia a été conçu), mais on peut également le mettre au service d'un projet de publication d'une manuel ou d'un guide. L'écosystème d'un wiki est plus riche que celui d'un CMS de blogue comme wordpress pour réaliser un projet d'édition, car il permet de réviser les modifications (système de versioning), et il comporte une système intégré de liens hypertextuels internes pour la création d'association de concepts favorisant une navigation contextuelle, ce qui est une des principales nouveautés que l'environnement numérique apporte à la publication de contenus. Sur le plan des compléments multi-médias, il n'est pas aussi idéal. Cependant il peut être apprêté à cette fin, étant ouvert et acceptant les plug-ins.
Bref, les livres, revues et journaux (numériques ou non) ne sont plus les seuls objets des activités d'édition et il faut tenir compte de ce fait lorsqu'on définit ce qu'est une plateforme d'édition.
D'autres langages appellent d'autres pratiques d'édition (créatives, collaboratives et de recherche)
Mais il faut aussi tenir compte des nouveaux langages qui peuvent favoriser une activité d'édition notamment dans le domaine de la recherche, et ne pas non plus uniquement raisonner en termes de formats des fichiers résultant de ces activités. Car un même langage, surtout s'il s'agit d'un langage de balisage s'inspirant du modèle des documents structurés (dont le cas le plus puissant est sans doute le XML étant donnée l'exigence du "bien formé" pour qu'il valide), peut donner lieu à plusieurs sorties, grâce à des outils de conversion inclus dans les logiciels qui servent à éditer par leur biais ou externes à ceux-ci (comme Pandoc).
L'un des langages les plus simples à utiliser et à lire pour construire des documents à éditer est le markdown (sur lequel est fondé Pandoc). Il a l'avantage d'êter lisible à la fois par les machines et par les êtres humains. Le langage des wikis s'en inspire largement. Le CMS spip s'en sert aussi dans une version modifiée pour faciliter le travail de codage des pages de leurs blogues par les utilisateurs. En même temps, cela fait un langage supplémentaire à apprendre. Mais le principe est toujours le même. On indique les attributs que l'on veut voir associés à un élément en le catégorisant par le biais de symboles qui le précèdent ou l'entourent. Dans le cas du XML, c'est plus exigeant, car on doit éviter tout chevauchement. C'est d'ailleurs une exigence raisonnable si on veut éviter que l'ordinateur y perde son latin. On nommera ici le langage LaTeX qui fut conçu pour l'édition de documents scientifiques car il permet de positionner précisément des symboles mathématiques sur la page pour la présentation impeccable de formules complexes dont le moindre lacune dans le positionnement et la taille des symboles pourrait susciter des erreurs d'interprétation (est-ce un exposant ou un facteur ?).
Comme le CMS de la poule ou l'œuf, on peut télécharger le langage LaTeX sur un ordinateur et un logiciel d'édition pouvant le compiler, afin que le résultat sorte sous la forme postcript (pour l'impression comme image) ou PDF, pour la publication du document dans une forme ne changeant pas d'un environnement à l'autre (et pouvant également être imprimé). D'autres espaces de travail collaboratifs donnent le sentiment qu'ils participent de ce mouvement d'évolution des plateformes d'édition, comme Piratepad, Github et plusieurs autres. Ils sont des versions ouvertes de ce que Google Drive permet de faire, avec un accent moins mis sur la mise en forme, puisqu'ils sont en "plain text". Mais ils permettent aussi un suivi des modifications par plusieurs contributeurs.
Des plateformes d'édition en cours de développement dans le domaine des Humanités numériques
La mode est actuellement aux plateformes d'édition en ligne, ce qui est bien illustré par Sharelatex. Certaines compagnies vous permettent de télécharger leur outil pour l'utiliser sur votre ordinateur avant de renvoyer votre contenu en ligne par divers services de distribution. C'est la propositon de Blurb avec Bookwright. Nous avons beaucoup parlé de GAFA, mais les services d'Adobe ont pris la voie du nuage avec ACC (Adobe Creative Cloud), qui remplace les CS (Creative Suites), et on y retrouve bien sûr InDesign. Il y avait eu un projet plus spécifiquement orienté vers l'édition misant sur le travail collaboratif avec des droits d'accès variant suivant le rôle des participants au projet, la poule ou l'Œuf, et qui permettait que l'on déplie les aspects non définitifs (un peu comme l'onglet discussion dans un wiki), d'un chapitre ou d'un paragraphe, afin d'y ajouter sa contribution si on le jugeait bon, mais sans avoir à lire ce qui était en cours de réécriture.
Un des enjeux principaux lorsque vient le temps de choisir une plateforme d'édition, c'est l'interopérabilité. Car celle-ci est garante de la pérennité et de l'accessibilité des contenus (qui elle aussi, à l'instar de la repérabilité, dont elle est en partie synonyme, contribue à la durée de vie des documents). C'est pourquoi les DRM représentent une sorte de contresens dans l'environnement numérique où la reproduction des documents est si facile que la notion même d'original perd, en quelque sorte, tout son sens. Ce qui ne veut pas dire qu'on ne doit pas s'intéresser à la question de l'authenticité. Mais elle exigera qu'on en révise la signification, au plan philosophique d'abord, puis les modes de vérification, en n'enrayant pas les possibilités de circulation de l'information, au nom de la préservation illusoire de l'intégrité d'une notion qui ne résonne pas avec le monde dans lequel nous vivons (voir l'article "Espace numérique"). Mais alors c'est toute l'économie qu'il faut repenser car la notion d'auteur perd de sa signification et on doit chercher d'autres sources d'assignation de la valeur.
La manière dont le suivi des modifications est effectué est un autre aspect critique à prendre en considération lorsqu'on choisit une plateforme de publication. Si le dispositif mis en place par wikimédia a établi le standard (en permettant le développement de la culture des contributeurs à wikipédia, qui tend à se répondre - non sans détournements - comme nous en avons ici un exemple), il faut veiller à ne pas nous contenter de ce qui existe déjà et faire avancer les outils en même temps que les mentalités.
On devra veiller à assurer la lisibilité des contenus en tout temps et penser dès maintenant à associer des métadonnées qui puissent être reconnues lorsque le contexte aura évolué.
Cf. Voyant tools.