Webdocumentaire Do Not Track : Différence entre versions

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La non-linéarité propre à la forme du web-documentaire est moins présente concernant ce projet. Le spectateur est invité à poursuivre la lecture des épisodes chronologiquement. D’ailleurs, un avertissement est fait au dernier épisode : le parcours doit avoir été respecté puisqu’ils effectuent une analyse de l’ensemble des données fournies au cours de l’expérience. De plus, les thématiques traitées dans les premiers épisodes sont exploités dans les derniers et permettent de suivre un cheminement logique. Par contre, la fragmentation est exploitée par les renvois à la plateforme du blog. On est invités à la consulter après chaque épisode. Le contenu additionnel, s’il est disponible sur le blog, l’est aussi sur le site du web-doc. Il est classé selon les différentes thématiques, disponible en plusieurs langues, la lecture par marqueurs est disponible rendant l'expérience plus adaptable. Un moteur de recherche permet aussi au lecteur de personnaliser sa recherche et l'option de navigation « must read » réunit les articles les plus révélateurs des principaux enjeux traités dans le web-documentaire.  
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La non-linéarité propre à la forme du web-documentaire est moins présente au sein de ce projet. Le spectateur est invité à poursuivre la lecture des épisodes chronologiquement. D’ailleurs, un avertissement est fait au dernier épisode : le parcours doit avoir été respecté puisqu’ils effectuent une analyse de l’ensemble des données fournies au cours de l’expérience. De plus, les thématiques traitées dans les premiers épisodes sont exploités dans les derniers et permettent de suivre un cheminement logique. Par contre, la fragmentation est exploitée par les renvois à la plateforme du blog. On est invités à la consulter après chaque épisode. Le contenu additionnel, s’il est disponible sur le blog, l’est aussi sur le site du web-doc. Il est classé selon les différentes thématiques, disponible en plusieurs langues, la lecture par marqueurs est disponible rendant l'expérience plus adaptable. Un moteur de recherche permet aussi au lecteur de personnaliser sa recherche et l'option de navigation « must read » réunit les articles les plus révélateurs des principaux enjeux traités dans le web-documentaire.
  
 
===Une écriture spécifique===
 
===Une écriture spécifique===

Version actuelle en date du 20 décembre 2017 à 18:18

Présentation

Description du projet

« Do not track est une série documentaire personnalisée consacrée à la vie privée et à l’économie du web »[1], disponible en libre accès qui vise à sensibiliser les internautes sur la façon dont leurs informations, relatives à leur activité sur internet, sont utilisées et collectées. Pour ce faire, plusieurs experts – diffuseurs publics, journalistes, développeurs, graphistes et membres de médias indépendants de différentes régions du monde – interviennent sur différents sujets et assurent ainsi la légitimité du contenu de par l’autorité qui leur est accordée. Il s'agit d'une production de :

  • Upian (société de production basée à Paris)
  • Office national du film (Canada)
  • Arte (chaîne de télévision publique franco-allemande)
  • Bayerischer Rundfunk (diffuseur public allemand du groupe ARD)
  • Radio-Canada (diffuseur public canadien)
  • Radio Télévision Suisse (diffuseur publique suisse)
  • AJ+ (application mobile du service de l’innovation d’Al-Jazeera).

En plus d'accorder au web-documentaire sa légitimité par leur statut, leur expertise et leur diversité, ces producteurs occupent une fonction éditoriale : ils assurent la production et la diffusion du contenu, de même qu'ils créer des conditions de possibilité pour l'appropriation.

De plus, les propos véhiculés au cours du wec-documentaire sont incarnés par des personnalités reconnues dans leur territoire et langage respectifs : Vincent Glad, Zineb Dryef et Virginie Raisson en France, Richard Gutjahr en Allemagne, Brett Gaylor en Amérique du Nord anglophone, Sandra Rodriguez au Québec. Cela confère une légitimité encore plus importante au projet et traduit l'objectif d’allier la visée internationale du sujet avec la pertinence d’une authentique dimension de proximité. [2]

Afin de répondre à l'objectif de « pointer les risques d’un tracking quotidien et responsabiliser les citoyens en leur livrant en toute transparence ce qui peut être fait de leurs données » [3], le webdocumentaire introduit plusieurs procédés interactifs, invitant le visiteur à se prêter au jeu. Tout au long de l’expérience, ce dernier fournit ses données. Si cela peut sembler paradoxal au premier abord, cela permet de bien illustrer les enjeux et de faire comprendre à l’internaute le processus de collecte de données. D’ailleurs, par soucis de transparence, Arte précise clairement leur politique de gestion des données personnelles.

Épisodes

Le web-documentaire est constitué de sept épisodes, principalement composés de vidéos et d'animation interactive, que le visiteur est invité à consulter chronologiquement. Traitant plusieurs aspects de la problématique du tracking sur Internet et des différentes manières dont le Web enregistre et traque nos activités et identités, ce projet explore plusieurs notions parcourues dans l'écosystème de ce wiki. Les épisodes du web-documentaire sont relativement courts, de 5 à 10 minutes chacun, mais l'expérience peut être beaucoup plus longue en raison des interactions et du renvoi vers d'autres ressources proposant davantage d'informations sur les sujets traités. Ils conjuguent 3 langues, soit le français, l'anglais et l'allemand, proposant différents sous-titrages selon la langue choisie par le visiteur.

Épisode 1: Routines matinales

Comme une entrée en matière, cet épisode définit ce qu'est le tracking et renseigne le visiteur sur ce processus: à l'aide d'une activité interactive, il dévoile comment chaque geste anodin divulgue des détails sur notre vie quotidienne, sans même que qu'on puisse en consentir. Enjeu exploré : Qui profite de ces données que nous générons chaque jour au gré de nos navigations sur Internet ?

Épisode 2: Breaking Ad

En prêtant une attention particulière aux fichiers de type « cookies » et à leur rapport avec la publicité, cet épisode explore principalement deux questions: comment les cookies fonctionnent? et pourquoi ils existent?

L'apparition de ces petits fichiers qui nous suivent à la trace, auxquels on consent obligatoirement, et qui enregistrent nos pratiques serait liée aux débuts d'internet et à sa volonté d'éviter la contribution monétaire des utilisateurs. Le développement de cette technologie sert ainsi à bâtir un modèle économique qui repose sur la publicité ciblée selon les habitudes de l'utilisateur.

Enjeu exploré: À quel prix les internautes ont accès à un internet libre et gratuit?

Épisode 3: Paye ton like

Cet épisode explore le cas des réseaux sociaux et du profilage en ligne en montrant au visiteur comment son activité sur les réseaux sociaux raconte une histoire sur lui. Au-delà des informations qu’il décide de fournir, il serait possible de procéder à une analyse de ses comportements à partir de son activité globale.

Il introduit l'exemple de l'application Illuminus, liée à Facebook, qui permet l’analyse personnelle de nos données à partir de notre activité sur le réseau social et propose au visiteur d'en faire lui-même l'expérience. L'algorithme de cette application analyse notre personnalité, en se basant sur cinq traits de personnalité – l’extraversion, l’ouverture à de nouvelles expériences, conscienciosité, agréabilité et névrotisme. En déterminant les traits les plus marqués de notre personnalité, l'algorithme en arrive à déterminer le taux de risque financier, professionnel, budgétaire, médical et social d'un individu. Les résultats provenant de l'analyse du profil du visiteur du web-documentaire illustrent bien les enjeux liés à ce type d'analyse, basée sur des préjugés et pouvant aisément porter préjudices à des groupes d’individus.

Épisode 4: L’espion dans ma poche

En portant une attention particulière à l'enjeu de la protection de la vie privée, cet épisode explore le cas précis des téléphones intelligents et des processus à partir desquels ils collectent des informations sur nous. La géolocalisation et les conditions d'utilisation que nous acceptons lors d'installations d'applications ou de connexions aux hotspots seraient les outils les plus révélateurs de nos pratiques et permettraient à des entreprises d'avoir accès à des données personnelles contenues dans nos téléphones, toujours dans l'objectif de cibler nos habitudes afin de recréer à grande échelle les comportements des individus et ainsi de prédire nos intentions (et par conséquent de cibler les publicités selon le profil des individus).

Il insiste particulièrement sur le peu de contrôle que les utilisateurs ont sur ce phénomène qui contrevient à la protection de leur vie privée et sensibilise le visiteur au rapport qu'il entretient avec ces engins auxquels nous accordons une valeur éminemment personnelle. Combien d'entre nous possèdent des photos osées sur ces appareils? Vous seriez peut-être surpris d'apprendre qu'environ 5% de toutes les applications ont accès à l'ensemble des photos détenues dans nos téléphones.. Ainsi, en juxtaposant certaines de nos pratiques personnelles avec leur utilisation par des applications, cet épisode informe le visiteur sur les enjeux en le positionnant au centre-même de la problématique.

Épisode 5: Big data, un monde d’algorithmes

Cet épisode traite du sujet des mégadonnées, ou big data, mais surtout de ce qu'elles impliquent comme interprétations. Si l'analyse statistique existe depuis plus longtemps que le big data, les technologies numériques permettent de rassembler des données de plus en plus facilement et rapidement grâce à l'optimisation d'algorithmes de plus en plus performant. S'il est difficile de concevoir l'étendue de ces données, la question primordiale soulevée par le documentaire est relative à la non-neutralité du traitement de celles-ci: Comment nos données pourraient être utilisées et par qui?

Si certains s'imaginent qu'on pourrait, à partir de ces données, régler des problèmes de société, on se doit de se poser la question des ceux qui font parler ces données. Jusqu'à maintenant, il s'agirait principalement de grandes entreprises, pour ne pas ne nommer que les GAFAM, qui ont probablement plus à coeur leurs profits que les enjeux sociaux. Si cet épisode insiste le caractère non-neutre des acteurs impliqués dans l'interprétation de ces mégadonnées, il souligne aussi la fonction idéologique des algorithmes: loin d'être neutres, ils répondent à des objectifs définis par des programmeurs qui incarnent certaines valeurs.

Épisode 6: Le journal du moi

L'exploration du phénomène des bulles de filtres dans cet épisode permet d'illustrer le processus, et ses enjeux, qui font que l’information qu’on consulte sur le web et sur les réseaux sociaux est filtré selon notre historique de navigation et notre activité sur les réseaux sociaux. Des algorithmes, mis en service notamment par les GAFAM, « trient l’information qui vous parvient et à force de la trier, vous enferment dans une bulle. Une bulle que vous n’avez pas choisie. »[4]

S'il conforte l'usager dans ses opinions et entraine du coup une polarisation des débats, ce traitement algorithmique de l'information obéit à une logique marchande des géants de l'industrie tout en soulevant des enjeux qui dépassent leur simples intérêts: considérant qu'une partie importante des internautes consultent principalement leurs nouvelles sur les réseaux sociaux, les GAFAM ne devraient-ils pas avoir une responsabilité sociale en raison de l'influence qu'il détienne sur des citoyens? Cet épisode questionne donc consciencieusement le rôle de ces nouveaux intermédiaires.

Épisode 7: Pour changer l’avenir, cliquez ici

Comme conclusion de ce web-documentaire, le dernier épisode est dédié à ce que l’avenir nous réserve, aux possibilités qui s’offrent à nous. Il insiste sur le fait que le futur numérique sera le résultat de ce qu’on fait aujourd’hui et notamment de l’intérêt qu’on porte à la protection de notre vie privée. Ainsi, une récapitulation des données amassées sur nous, ainsi qu'une analyse des données collectées sur l'ensemble des visiteurs du projet est exécutée afin de rendre compte d'une certaine manière de la réalité telle qu'elle l'est actuellement, à la lumière de l'information collectée sur une communauté d'internautes.

« Qu'est-ce que l'avenir nous réserve ? À partir des données collectées sur les spectateurs de Do Not Track nous avons imaginé trois possibilités. Adviendront-elles ? Une seule chose est certaine. Le futur s'écrit aujourd'hui. »

Ainsi, trois récits sont introduits afin d'explorer différentes hypothèses futuristes. Ces trois récits fictionnels, « basés sur une ressemblance avec des événements existants, ayant existé ou pouvant existé », suivent tous une logique :

  • celle du Big Brother, c'est-à-dire de la surveillance par les instances gouvernementales
  • celle du Big business, c'est-à-dire un futur dans lequel l’Internet serait régit par les GAFA
  • celle du Big win, qui apporte une note d’espoir au web-documentaire, décrivant un futur dans lequel les citoyens prendraient le contrôle d’internet.

Finalement, une liste de projets, organisations, associations, etc. qui ont à cœur les enjeux liées au futur de l’internet et qui pose des actions concrètes est mise à la disposition des visiteurs qui voudraient s’impliquer au-delà de ce projet.

Forme du web-documentaire

Ces types de pratique artistique émergent avec l'avènement de la culture numérique. Celle-ci ouvrent les possibilités, notamment technologiques, et permet à des formes artistiques innovatrices de se déployer dans un environnement particulier: celui du numérique.

S'il conjugue des technologies numériques, un web-documentaire est un documentaire conçu pour être interactif et produit pour être diffusé sur le Web. Il peut contenir des éléments texte, photos, vidéos, sons et même des animations. Le projet Do Not Track s'inscrit dans cette pratique, emprunte la majorité de ses propriétés afin de traiter d'un sujet précis. À la lumière des propriétés du web-documentaire, observons à quelles fins ce projet s'inscrit dans cette pratique.

L'utilisation d'un contenu multimédia

Principalement composée de vidéos, les épisodes sont également entrecoupés d’animations interactives et invitent à poursuivre l’exploration des enjeux du tracking via du contenu textuel externe proposé sur un blog. Au-delà de la plateforme du web-documentaire, les concepteurs ont créé ce blog afin d’offrir au lecteur la possibilité d’enrichir ses connaissances sur le sujet. Du contenu textuel est aussi inséré dans le web-documentaire, pensons aux trois derniers articles qui proposent trois fictions mettant en scène des possibilités du futur selon différents axes.

L'introduction dans le récit de procédés interactifs

Non seulement Do not track est un projet qui informe l’internaute et cherche à le sensibiliser sur différents enjeux liés à la collecte de données et à la vie privée, mais il cherche à bonifier l’expérience du spectateur en le personnalisant. Chaque épisode comporte au moins une étape interactive, au cours de laquelle le visiteur est invité à soumettre certaines données personnelles : noms des sites d’informations visités, adresse du compte facebook, nombre d’applications mobiles installées, etc. Ces données sont agrégées aux informations que le projet détient déjà sur nous (type d’ordinateur, localisation, navigateur utilisé, etc.), ainsi qu’aux éléments collectés via des questions par email. L’ensemble de ces éléments, possible lorsque le visiteur se connecte à la plateforme par son adresse courriel, permet ensuite d’affiner les éléments contextuels affichés des épisodes.

Tout au long de l'expérience, les procédés interactifs sont de nature assez variée, allant du questionnaire à remplir à l'analyse de notre personnalité via les réseaux sociaux en passant par l'expérience de la collecte de donnée à partir des sites web que nous parcourons.

Grâce au support numérique qui permet une interactivité comparativement aux documents traditionnels, il est possible de faire vivre une expérience différente et unique à chaque visiteur : les données fournies par le visiteur du projet donnent lieu à des analyses uniques, les technologies utilisées permettent une grande adaptabilité du contenu. Plus que spectateur, le visiteur devient donc acteur au sein du projet. D’ailleurs, le web-documentaire se personnalise selon le pays et le lieu de l’utilisateur : « Une grande partie des épisodes utilise des images provenant du web, comme des GIF ou des contenus localisés. Ce qui permet de créer des films instantanés dans lesquels le contenu s’adapte à la situation géographique de l’internaute. » [5]

Navigation et récit non-linéaire

La non-linéarité propre à la forme du web-documentaire est moins présente au sein de ce projet. Le spectateur est invité à poursuivre la lecture des épisodes chronologiquement. D’ailleurs, un avertissement est fait au dernier épisode : le parcours doit avoir été respecté puisqu’ils effectuent une analyse de l’ensemble des données fournies au cours de l’expérience. De plus, les thématiques traitées dans les premiers épisodes sont exploités dans les derniers et permettent de suivre un cheminement logique. Par contre, la fragmentation est exploitée par les renvois à la plateforme du blog. On est invités à la consulter après chaque épisode. Le contenu additionnel, s’il est disponible sur le blog, l’est aussi sur le site du web-doc. Il est classé selon les différentes thématiques, disponible en plusieurs langues, la lecture par marqueurs est disponible rendant l'expérience plus adaptable. Un moteur de recherche permet aussi au lecteur de personnaliser sa recherche et l'option de navigation « must read » réunit les articles les plus révélateurs des principaux enjeux traités dans le web-documentaire.

Une écriture spécifique

Dans le cas de ce projet, il s'agit davantage d'un point de vue spécifique : très engagé socialement et politiquement. Le projet est mené par un groupe d’expert de tous genres qui détiennent une certaine autorité, ce qui confère au projet sa légitimité. La part fictionnelle du web-documentaire est moins exploitée que dans d'autres projets, en raison du sujet traité. Si les trois récits présentant des possibilités du futur est de cet ordre, le reste ne l'est pas tout à fait.

Les procédés narratifs rendent bien compte de la spécificité du projet. Le narrateur s’adressant directement au visiteur, l'effet d'immersion dans le récit en n'est que bonifiée. Conjugué avec les procédés interactifs qui traduisent une volonté d'intégrer le visiteur dans l'histoire, l'interpellation assure son attention tout au long de l'expérience.

Contexte numérique et modalités d’appropriation

Au-delà des procédés interactifs, l’ensemble des modalités d’appropriation à l’œuvre dans le projet traduisent la spécificité des œuvres dans un contexte d’édition numérique : de nouvelles formes émergent, dont le web-documentaire qui fait appel à des technologies numériques afin de répondre à des objectifs esthétiques ou idéologiques, selon le projet. Dans le cadre de Do not track, les modalités d’appropriation répondent donc à l’objectif de responsabiliser les citoyens/internautes, de les faire prendre conscience des enjeux autour des questions de la collecte de données et de la protection de la vie privée. D'ailleurs, dans le contexte numérique, la création de conditions favorable à l'appropriation du contenu pour le lecteur devient une nouvelle fonction éditoriale, complexifiant le rôle de l'éditeur par rapport à notre compréhension plus traditionnelle de leur mandat.

Par modalités d’appropriation, j’entends tous les procédés interactifs au long qui adaptent l’expérience selon les informations que l’on fournit, mais aussi possibilité de commenter, de partager, de contacter directement l’équipe de production, la présence de renvois hypertextuels vers le blog qui fournit du contenu additionnel de différentes natures (vidéos complémentaires, articles écrits par experts du projet et articles externes). Les procédés mis à la disposition des visiteurs répondent à une réelle volonté de la part des concepteurs de permettre aux internautes de s’approprier le projet afin, il me semble, de bien comprendre à quel point ce sont eux qui sont au cœur de ces enjeux et qui détiennent le pouvoir de changer les choses. À ce sujet, le dernier épisode souligne justement que le futur du numérique sera le résultat de ce qu’on fait aujourd’hui et notamment de l’intérêt qu’on porte à la protection de notre vie privée.

Ces modalités d’appropriation renvoient aussi aux notions de lecture et d’écriture. Le visiteur devient acteur dans le cadre de ce projet, mais il ne change pas réellement le contenu mis à disposition par le projet, à l’exception de certaines images qui diffèrent d’une situation géographique à l’autre. Une distinction entre le concepteur (qui produit le contenu) et le visiteur demeure, les frontières ne sont pas véritablement brouillées même si la participation du lecteur détient un rôle essentiel dans le cadre de ce projet. Si le lecteur contribue au contenu du web-documentaire, le projet ne s'inscrit pas dans un régime d'édition en réseau: l'impact de l'implication du lecteur se fait seulement au niveau de son expérience personnalisée, pas à celle de tous — à l'exception du dernier épisode qui rassemble les données de tous les visiteurs afin de procéder à une analyse collective. La résistance au brouillage entre les deux pratiques s'explique aussi par le contexte du projet: il ne serait pas avantageux de confondre totalement les frontières puisque le contenu traité doit garder un niveau de légitimité très élevé pour ne pas perdre sa crédibilité. D’ailleurs, comme je l’ai mentionné, la crédibilité du projet repose sur le processus de légitimation : il s’agit d’experts œuvrant au sein d’institution détenant une autorité indéniable (ONF, radio-canada, Arte, etc.). Ainsi, ils doivent maintenir une frontière entre le contenu diffusé et celui apporté par les internautes, autrement leur légitimité pourrait être questionnée et remise en cause.

Limites du dispositif

Question de pérennité

L'enjeu de la pérennité touche particulièrement les nouvelles formes d'arts qui émergent avec la culture numérique: la préservation de ces documents pose problème en raison de la vitesse des évolutions technologiques. S'il est valide à un certain moment, un format peut devenir rapidement obsolète: un document dépendant de ce format, cela s'applique aussi aux différents supports, devient alors incompatible avec les nouvelles technologies, il devient impossible d'y avoir accès.

Dans le cadre du web-documentaire Do Not Track, le format vidéo n'est pas tout à fait à risque, c'est plutôt les animations interactives qui pourraient poser problème à long terme. Soutenus par des instances qui détiennent une forte autorité dans le domaine de l'innovation technologique (pensons à l'ONF et Arte), il est facile d'imaginer que ce projet ne disparaitra pas complètement, mais sa dimension interactive pourrait poser problème à long terme. En revanche, le sujet traité est très actuel et la pertinence de ses procédés interactifs est relative à ses enjeux qui ne seront probablement pas les mêmes dans quelques (dizaines?) d'années. On peut facilement imaginer que les scénarios introduits à la fin du documentaire et basés sur la réalité telle qu'elle était en 2015 seront soit obsolètes ou advenus. Ainsi, si l'enjeu de pérennité du format exploité est un enjeu important, la pérennité du sujet l'est tout autant en raison de la contemporanéité des enjeux soulevés. La pérennité du dispositif serait un enjeu davantage important dans un contexte où les épisodes du web-documentaire serait constamment mis à jour. Dans le cas de ce projet, le contenu semble assez figé depuis sa mise en ligne en 2015: c'est davantage le contenu disponible sur le blog qui fait preuve de davantage de souplesse.

Limites dans la navigation

Conjuguant principalement format vidéos et animations interactive, une grande limite du dispositif est le manque de flexibilité lors de la navigation. Si certaines séquences vidéos le permettent, la plupart ne donne pas la possiblité d'avancer et de reculer le temps, ce qui peut être particulièrement embêtant pour le visiteur qui doit recommencer le vidéo du début s'il souhaite écouter à nouveau un passage. De la même façon, il est impossible d'atteindre un moment précis du web-documentaire ou une animation interactive spécifique. Si on peut atteindre un épisode précis puisque c'est le mode de navigation choisi par les producteurs, on ne peut pas atteindre une séquence précise (la majorité des épisodes sont composés de plusieurs vidéos entrecoupés d'animations interactives) à l'intérieur d'un épisode. L'expérience semble être réservée à une lecture linéaire qui évacue toute forme de souplesse et de fragmentation à l'intérieur du web-documentaire, qui pourtant s'y prêterait assez bien en raison du traitement fragmentaire de la problématique choisie. Cette limite ne semble donc pas un choix effectué par les producteurs, mais plutôt une limite technologique du dispositif.

Notes et références

  1. Site web Do Not Track - https://donottrack-doc.com/fr/about/
  2. « Do not track, une série documentaire interactive sur le tracking et l’économie du web », Site web du Centre national du cinéma et de l'image animée - http://www.cnc.fr/web/fr/flux/-/journal_content/56_INSTANCE_k0Tr/18/7391630?refe
  3. « Do not track, la série interactive d’Arte qui piste les trackers », Journal du geek - http://www.journaldugeek.com/2015/04/14/do-not-track-serie-interactive-arte/
  4. Tiré de l'épisode 6, Web-documentaire Do Not Track - https://donottrack-doc.com/fr/episode/6
  5. « Do not track, une série documentaire interactive sur le tracking et l’économie du web », Site web du Centre national du cinéma et de l'image animée - http://www.cnc.fr/web/fr/flux/-/journal_content/56_INSTANCE_k0Tr/18/7391630?refe