Le Projet BOUVARD : Différence entre versions

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Le statut du lecteur via l'interface d'édition se trouve en effet changé : le lecteur, comme promu au rang d'auteur ou de ''co-auteur'', est placé au centre d'un système éditorial puisqu'il peut créer des agencements de citations selon ses propres hypothèses. La distinction entre le lecteur ''co-auteur'' et un éditeur numérique ne peut plus se faire sur l'unique critères d'utilisation des outils de lecture, de diffusion, de composition ou de structuration de l’œuvre car chacun utilise les mêmes. Le concept d'[[Fonction éditoriale|autorité éditoriale]] se trouve dès lors bouleversé. Il faut ici nuancer le pouvoir du lecteur : en effet tous les « seconds volumes » issus de l’interface ne peuvent pas prétendre au titre de « reconstitution conjecturale du second volume » et aucune de ces reconstitutions ne peut prétendre à la perfection ou à une autorité scientifique absolue. De plus, le lecteur ne peut éditer que dans les limites et selon les règles d’édition fixées par le site (création obligatoire d'un compte) et par l’interprétation scientifique faîte du corpus : il ne dicte donc pas ses lois éditoriales.  
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Le statut du lecteur via l'interface d'édition se trouve en effet changé : le lecteur, comme promu au rang d'auteur ou de ''co-auteur'', est placé au centre d'un système éditorial puisqu'il peut créer des agencements de citations selon ses propres hypothèses. La distinction entre le lecteur ''co-auteur'' et un éditeur numérique ne peut plus se faire sur l'unique critères d'utilisation des outils de lecture, de diffusion, de composition ou de structuration de l’œuvre car chacun utilise les mêmes. Le concept d'[[Fonction éditoriale|'''autorité éditoriale''']] ou de [[Évaluation de la recherche|'''validité scientifique''']] se trouvent dès lors bouleversés. Il faut ici nuancer le pouvoir du lecteur : en effet tous les « seconds volumes » issus de l’interface ne peuvent pas prétendre au titre de « reconstitution conjecturale du second volume » et aucune de ces reconstitutions ne peut prétendre à la perfection ou à une autorité scientifique absolue. La dimension de [[Légitimation|'''légitimité''']] de la conception éditoriale demeure donc prise en compte. De plus, le lecteur ne peut éditer que dans les limites et selon les règles d’édition fixées par le site (création obligatoire d'un compte) et par l’interprétation scientifique faîte du corpus : <u>le lecteur ne dicte donc pas ses lois éditoriales.</u>
  
 
===Conception littéraire et éditoriale===
 
===Conception littéraire et éditoriale===

Version du 21 décembre 2017 à 16:01

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Capture d'écran de la page d'accueil du site officiel

Présentation

Le Projet BOUVARD


Le Projet BOUVARD est en lien avec les concepts d'Édition numérique, de Numérisation et de Texte numérique

Il questionne les notions de Fonction éditoriale et de Légitimation





Discussion

« Le projet a pour l’objet l’édition critique en ligne d’un ensemble patrimonial cohérent, d’importance scientifique et culturelle reconnue, sous une forme technologique novatrice,seule adaptée à un contenu intellectuel et matériel complexe que l’édition imprimée échoue à restituer dans toutes ses dimensions et son irréductible spécificité. »[1]

Le Projet BOUVARD est un projet d'édition en ligne du second volume inachevé de Bouvard et Pécuchet de Gustave Flaubert. Désirant cerner au plus près le monde de l'édition, le Projet BOUVARD met également à disposition de l'utilisateur une interface d'édition de "second volume à la demande". Le projet voit le jour en 2007. La responsable de projet est Stéphanie Dord-Crouslé (membre du CNRS-LIRE). Le site officiel est toujours actif et est en développement. L'interface est disponible en plusieurs langues : anglais, italien et espagnol.

Origine du projet

Œuvre Source et Contexte éditorial

Le Roman encyclopédique inachevé

A l'origine du projet, se trouve le roman encyclopédique Bouvard et Pécuchet qui devait être structuré en deux volumes et douze chapitres narrant l’épopée scientifique de deux copistes ayant décidé de quitter Paris pour se retirer en campagne afin de mettre à l’épreuve les branches des savoirs de leur époque. Le second volume de ce roman, devant contenir les deux derniers chapitres, reste inachevé suite à la mort de l’auteur le 8 mai 1880. Le chantier documentaire auquel se consacre le Projet BOUVARD représente :

2 300 feuillets
8 volumes de documentation diverse
2 volumes pour le Dictionnaire des idées reçues.

Contexte éditorial

Le projet naît d'une insuffisance éditoriale : qu'il s'agisse des appendices dans les éditions du premier volume (qui ne parvenaient pas à englober la totalité des documents du second volume) ou des reconstitutions conjecturales du second volume (qui ne parviennent pas à rassembler tous les spécialistes flaubertiens et demeurent difficilement lisibles). Le Projet BOUVARD en tant qu'édition numérique a pour objectif de respecter l'inachèvement du corpus, la mobilité des documents qui le composent et la triple hétérogénéité qui lui est caractéristique :

  1. Hétérogénéité dans la nature physique des documents
(pages manuscrites, pages imprimées ou mixtes)
  1. Hétérogénéité dans la destination diverse de chaque documents
(en hésitation entre le second volume et d'autres œuvres comme L'Éducation sentimentale)
  1. Hétérogénéité dans l'appartenance typologique variée des documents
(documents bruts, références bibliographiques, notes de notes, etc.)

Objectifs

Schéma descriptif de la composition du corpus. En orange : documents concernés par l'édition du projet ; en jaune : la production du de l'interface d'édition

En réaction ou à la suite du contexte éditorial particulier de l’œuvre source, naît le projet d’une édition numérique, proposition de dépassement de la nécessaire forme autoritaire imposée par le support papier. Le projet se conçoit selon deux objectifs :

  • En tant qu’édition, il s’agit avant tout d’éditer un corpus patrimonial complexe et difficilement accessible.
  • Rendre le corpus manipulable et en particulier offrir la possibilité de produire des deuxièmes volumes à la demande, ce qui revient à établir une interface permettant la production d’une édition personnelle à partir des documents mis en ligne.

Formation de l'équipe

Le projet procède d'une rencontre entre Stéphnie Dord-Crouslé, chargée de recherche au CNRS et coordonnatrice à Lyon d’une équipe multidisciplinaire et internationale débutant un travail sur les dossiers documentaires de Bouvard et Pécuchet, et l’équipe d’études flaubertiennes de l’Université de Messine, au fait des nouvelles voies de la génétique. Les deux équipes se sont réparti l’immensité du corpus pour une analyse sous différents aspects (déchiffrement, transcription, datation, repères bibliographiques, analyse de variantes, établissement des notes d’édition…) afin de parvenir à une nouvelle édition critique et en ligne des dossiers de Bouvard et Pécuchet. Grâce à la bourse décernée par le Ministère des Affaires étrangères et européennes (situé en France) et le Ministero dell’Istruzione, dell’Università e della Ricerca (en Italie), les deux équipes ont pu organiser deux réunions importantes au cours de l’année 2009. Ce financement a également permis de rendre l’interface multilingue (disponible actuellement en 4 langues : français, anglais, italien et espagnol). Au-delà des grandes qualités et des potentialités innovantes qu’offre le site, cette édition électronique des dossiers documentaires de Bouvard et Pécuchet a été l’occasion d’une collaboration et s’est ainsi assimilée lors de sa création à une forme moderne de table ronde, constamment ouverte et active permettant par sa nature numérique un dialogue entre personne d’horizons lointains, au-delà des décalages horaires et des distances. Ce fut la première étape de ce projet que de rassembler des spécialistes de Flaubert et des spécialistes informaticiens au sein d’une même équipe de recherche multinationale œuvrant en collaboration pour un savoir collaboratif. Ont suivi les démarches pour trouver les financements et les soutiens permettant de définir un format-pivot pour l’édition.

Une Proposition pour le domaine de l'Édition numérique : l'Interface de production de second volume

Fonctionnement

le corpus du second volume est accessible via le site mais il est également éditable : le site permet en effet de manipuler les fragments et de produire une édition personnelle. Le travail d'édition à l'origine du projet a permit de rendre le corpus manipulable notamment par le processus d'éditorialisation': découpage du corpus en fragments, regroupement des fragments en thématique ou citations, classement des éléments, transpositions diverses selon les modes diplomatique, normalisé ou ultra-diplomatique, etc. Afin d'accéder à l'interface d'édition, l'utilisateur doit cependant créer un compte : il ne s’agit pas seulement de bénéficier d’un outil d’édition mais de participer pleinement et nominalement à une expérience littéraire et scientifique. Par défaut, les pages créées par les utilisateurs au sein de leur espace de travail personnel ne sont pas publiques et il n'y a pas de limitation dans le nombre de reconstitutions conjecturales du « second volume » / utilisateur. L’Agenceur , qui est le principal outil de l’interface d’édition, propose des exemples détaillés sur la page « Hypothèses ».

XML/TEI ou le Format Pivot

Schéma des différents formats et extensions du corpus

Le format XML/TEI a été choisi comme format pivot, permettant notamment le passage d'une transcription diplomatique à une transcription normalisée. La TEI (Text Encoding Initiative), un format XML de description de textes, outil issu d’une communauté académique internationale dans le domaine des humanités numériques, permet cette malléabilité du texte puisqu’elle conduit à une transcription formalisée unique (diplomatique, normalisée et enrichie), elle conserve des unités « texte », fragmente et recompose le corpus en unités-cibles, en acceptant des requêtes complexes et l’export d’un corpus. C’est cet outil-pivot qui rend possible la création d’un second volume à partir du site.

Mode d'emploi ou Comment créer un second volume :

  1. Choisir un plan de lecture (existant, modifié, inédit) soit détermination de la structure de l’édition
  2. Matrice de sélection des citations ou création du corpus
  3. Module de lecture et reclassement des agencements soit l’insertion du corpus dans la structure établie
  4. Préciser la place des citations au cas par cas, ajout d’éventuelles citations…
  5. Export du « second volume » en format PDF ou XML.


Réflexions et Innovations sur un Site collaboratif

Modèle pensé-utilisateur

Le modèle épistémologique de l'interface d'édition a été pensé en terme d'accessibilité utilisateur et conçu selon le schéma de Roberto Polillo[2] dont les critères de qualité ont été respectés :

Polillo.jpg

Modèle du Kaléidoscope

Cette interface se construit sur le modèle du "kaléidoscope", un qualificatif imagé qui permet de se représenter la structure de l’interface. Proposant déjà plusieurs reconstitutions du volume flaubertien manquant, ce projet permet à chaque visiteur du site de produire sa propre reconstitution d’une œuvre inachevée et inachevable. Point crucial et original du site, ayant sans aucun doute complexifié la tâche de l’équipe technique, il s’agit là de répondre à une rigueur scientifique typique de l’esprit « humanité numérique » : le site montre en effet de quelle manière l’encodage de l’édition numérique peut être exploité pour le fonctionnement d’une interface de création unique et dynamique. De même que l’édition numérique procède d’une suite d’édition papier, l’édition personnelle de l’internaute peut procéder des éditions numériques déjà existantes. Cette version finale pourra être soumise selon la volonté de l’internaute et pourra être reconstituée et exportée au format XML ou PDF. Le principe du projet est la diversité des compositions conjecturales, la logique unique de chaque structuration de fragments et non l'exhaustivité d'une seule reconstitution.

Conception d'un outil pensé scientifique

La mise à disposition d’un outil éditorial complexe et précis et d'un vaste corpus accessible à tout utilisateur ne fait l'unanimité : l'idéal d’une collaboration scientifique étendue et une ouverture du monde flaubertien s'oppose à un esprit davantage enclin à une conservation de la valeur de l’activité d’édition et de la littérature de l'auteur. Si cette question ne peut pas réellement être tranchée - car tenant davantage à des conceptions intellectuelles et même sociales -, il est tout de même possible de rappeler la finalité du projet : l'outil conçu de prime abor comme un outil de travail et de recherche permettant les regroupements de fragments littéraires, la comparaisons d'hypothèses scientifiques et la validation éventuelle de certaines d'entre elles.

Lecteur co-auteur

Le statut du lecteur via l'interface d'édition se trouve en effet changé : le lecteur, comme promu au rang d'auteur ou de co-auteur, est placé au centre d'un système éditorial puisqu'il peut créer des agencements de citations selon ses propres hypothèses. La distinction entre le lecteur co-auteur et un éditeur numérique ne peut plus se faire sur l'unique critères d'utilisation des outils de lecture, de diffusion, de composition ou de structuration de l’œuvre car chacun utilise les mêmes. Le concept d'autorité éditoriale ou de validité scientifique se trouvent dès lors bouleversés. Il faut ici nuancer le pouvoir du lecteur : en effet tous les « seconds volumes » issus de l’interface ne peuvent pas prétendre au titre de « reconstitution conjecturale du second volume » et aucune de ces reconstitutions ne peut prétendre à la perfection ou à une autorité scientifique absolue. La dimension de légitimité de la conception éditoriale demeure donc prise en compte. De plus, le lecteur ne peut éditer que dans les limites et selon les règles d’édition fixées par le site (création obligatoire d'un compte) et par l’interprétation scientifique faîte du corpus : le lecteur ne dicte donc pas ses lois éditoriales.

Conception littéraire et éditoriale

Par l'interface d'édition libre, ce n'est pas seulement le système traditionnel de l'édition qui se trouve bouleversé mais également la conception même d'une œuvre ou d'une partie d'une œuvre dans le cas de Bouvard et Pécuchet : comment lire ou voir désormais une œuvre dont l'édition est multiple, ne se définissant plus par une lecture chronologique et une forme statique ? Le projet semble ainsi investir une nouvelle conception de l’œuvre littéraire : déterminée par l'inachèvement et la fragmentation. Il reste cependant que le projet respecte au mieux la forme originale de l’œuvre et se donne pour but de retranscrire les attributs d'origine, or ce sont là des critères qui participe du geste d'édition et de ses enjeux.

L’Âpreté contextuelle

Il faut préciser en dernier point la réalité contextuelle de l’œuvre : si un outil d'édition (et même d'éditorialisation puisque le lecteur peut former ses propres transcriptions à partir de la consultation des fragments mis en ligne) est accessible à tous utilisateurs, il reste que le travail d'édition demeure et que le corpus bien que numérisé demeure flaubertien.

Bibliographie

Éditer le chantier documentaire de Bouvard et Pécuchet, Explorations critiques et premières réalisations numériques, textes réunis par Rosa Maria Palermo Di Stefano, Stéphanie Dord-Crouslé et Stella Mangiapane, Andrea Lippolis Editore, Messina, 2010.

Bouvard et Pécuchet de Flaubert. Une "encyclopédie critique en farce", Stéphanie Dord-Crouslé, Broché, Belin, 2000.

« Sur le modèle du kaléidoscope : concevoir l’édition électronique du “second volume” de Bouvard et Pécuchet », Stéphanie Dord-Crouslé et Emmanuelle Morlock-Gerstenkorn, Nouveaux Cahiers François Mauriac, n° 19 (« L’édition critique, de l’imprimé au numérique : François Mauriac et les autres… »), 2011, p. 169-183.

"Les “seconds volumes” possibles de Bouvard et Pécuchet : l’avènement d’un lecteur-auteur ?", Stéphanie Dord-Crouslé, in Patrimoine littéraire en ligne : la renaissance du lecteur ?, Dominique Pety, Éditions de l'université de Savoie, pp.117-131, 2016, Corpus : Disponible sur la plateforme HAL.

Déjeuners de l’ISH et de l’ENS de Lyon : L’édition des dossiers documentaires de Bouvard et Pécuchet (Flaubert) – D’un roman inachevé à la production de « seconds volumes » à la demande, Stéphanie Dord-Crouslé et Raphaël Tournoy, Vendredi 27 avril 2012, Institut des Science de l’Homme, Lyon.

Colloque Bouvard et Pécuchet : les "seconds volumes" possibles organisé par l'UMR 5611-LIRE à l'ENS de Lyon, 7, 8 et 9 mars 2012 : Retranscription du Colloque.

Notes et Références

  1. Éditer le chantier documentaire de Bouvard et Pécuchet, Explorations critiques et premières réalisations numériques, textes réunis par Rosa Maria Palermo Di Stefano, Stéphanie Dord-Crouslé et Stella Mangiapane, Andrea Lippolis Editore, Messina, 2010, « Vers une édition électronique des dossiers de Bouvard et Pécuchet », Stéphanie Dord-Crouslé, p.15.
  2. Roberto Polillo dans "Un modello di qualità per i siti web", in Mondo Digitale, n°2, 2005, pp. 32-44, document que l’on trouve également en ligne : http://www.mondodigitale.net/Rivista/05_numero_tre/Polillo_p.32-44.pdf.